Entre les valeurs universelles des droits de l'homme et la spécificité culturelle, la réalité du terrain nous impose de penser, dans l’espace républicain, une synthèse qui soit applicable dans notre quotidien professionnel.
Si l’on appréhende communément le phénomène migratoire au travers de ses dimensions sociologiques, historiques, économiques ou géopolitiques, les travailleurs sociaux quant à eux rencontrent les migrants à partir d’interactions dans le cadre de situations souvent porteuses de souffrances.
D’un autre côté, concilier l’appartenance à son monde d’origine et à son monde d’accueil constitue aujourd’hui un réel défi pour des migrants écartelés entre l’un et l’autre. Professionnels et usagers peuvent cependant s’aider mutuellement à le relever, à la condition cependant de nourrir leurs approches de reconnaissance mutuelle, élaborant des dispositifs de rencontres qui proscrivent les positions de surplomb. Dans ce contexte multiculturel, les travailleurs sociaux sont donc amenés à rencontrer des situations si éloignées de leur cadre de références qu’elles les déstabilisent. Il peut alors leur sembler difficile d’intégrer de nouveaux savoir-faire et savoir-être dans leurs pratiques.
La démarche ethnoclinique, telle que nous la pensons et la pratiquons aux Chemins de la rencontre, vise en un premier temps, à les aider à la prise de conscience, par une mise en récit collective de nos propres cadres de références, à découvrir corrélativement les cadres de références de l’Autre. Une manière de s’accueillir pour ensuite accueillir l’Autre.
Un être humain est fabriqué dans un monde culturellement codé. Comment prendre en compte le temps psychique du projet, du trajet, du parcours migratoire d’un monde à l’autre, d’une institution à une autre ? Quelles démarches, quelles approches, quels cadres, pour mettre en mouvement le temps du décentrage et du contre transfert culturel ?
Ces questions et les réponses qui peuvent en découler participent naturellement à la construction d’un espace de médiation ethnoclinique, se proposant d’aborder cet enjeu autour du concept de « la marmite » des appartenances, de témoigner de sa fabrication, des ingrédients qui nous constituent, des nourritures qui nous ont fait grandir et tenter de les traduire d’un monde à l’autre (mondes institutionnels, professionnels, familiaux). Parler de soi ouvre un monde, il s'agit du contre-transfert, qui permet l'ouverture du monde de l'autre.